Dès le dimanche 1er janvier, l’ Ain connait un refroidissement sensible. Au temps pluvieux et doux des derniers jours de décembre ( le mois d’ ailleurs ne fut pas très hivernal) le changement est radical dans la nuit du vendredi 30 au samedi 31 décembre. Le mercure dégringole. La neige tomba à gros flocons dans tout le pays de Gex toute la journée de samedi. A Bourgh en Bresse, elle ne fit son apparition que dans la soirée du même jour mais la couche assez mince en plaine fut assez vite balayée par une bise forte. Le jour de l’ An selon les médias de l’ époque, il fit un temps à ne pas mettre un chien dans la rue. La ville de Bourg avait un triste aspect. Les habitants sont restés chez eux près d ‘ un bon feu de cheminée, reportant à plus tard les visites d ‘usage. Le thermomètre annonçait à 5 h du matin pas moins de -15° et tout juste -10° en pleine journée. Un sacré changement après décembre très supportable. C’ est ainsi la première vague de froid de cet hiver 1910-1911.
La bise « noire » qui souffla pendant plusieurs jours causa pas mal de ravages dans le département. Durant tous ces premiers jours de l’ an 1911, le froid resta très intense avant un redoux sensible ensuite. Ainsi le 5 le mercure affiche encore tout de même -7° à Bourg.
Le 3 janvier les conséquences de la chute du mercure commencent à se faire remarquer. Ce froid fit une victime à Feillens. On la retrouva morte, frappée par une congestion. A Pont d’ Ain, à la suite de la chute du mercure jusqu’ à -14° tous les cours d’ eau sont pris par les glaces. La rivière d’ Ain dont les bords sont garnis d ‘une couche épaisse de glace est complètement prise à plusieurs endroits.
A Neuville sur Ain, le pertus du barrage qui se trouve en amont du pont fut même complètement obstrué par les glaces. La rivière ne cesse de charrier depuis 48 heures des glaçons jour et nuit. Pareille chose ne s’ était plus vue depuis 1879 !. On craint que la vigne ait souffert de cette température sibérienne.
A Péron on annonce que le thermomètre est descendu le 1er janvier jusqu’ à -10°, le 2 janvier à -18°, le 3 janvier à -21,5° le matin et -14° durant le jour. Le dimanche 21 et le lundi la bise a été d ‘une violence inouîe mais elle s’ est contentée d’ obstruer de neige tous les chemins. Elle n’ a point fait de dégâts comme à Bellegarde et Genève surtout.
A Trévoux, le 2, la Saône était prise en vue de la commune. Les barrages ayant été ouverts dans la journée, un courant s’ est établi, ce qui entraina le centre des glaces et laissa ainsi le passage aux glaces venant de plus haut. Le fleuve est très bas, plus d ‘ 1,25 m sous son niveau ordinaire. Au matin du 3, le mercure marquait sur les hauteurs de la ville et dans la plaine de Chamalan pas moins de -14°. A Mâcon, la Saône est gelée complètement, ce qui là encore comme pour l’ Ain, ne s’ était pas vu depuis bien longtemps.
A Bellegarde c’ est un terrible ouragan qui s’ est abattu, causant d’ importants dégâts.
A St Trivier de Courtes un cadavre a été retrouvé gelé sur la route de Romenay le 3 janvier.
A Hotonnes, un vent terrible n’ a pas cessé de souffler pendant toute la nuit du 1er au 2 janvier. Plusieurs toitures ont été soufflées littéralement voire même des charpentes. Dans tout le secteur, aucun propriétaire ne fut épargné par le vent violent et des dégâts. on ne voyait que des toits ravagés, murs démolis, arbres arrachés. Dans les montagnes, les dégâts furent épouvantables. Les fils télégraphiques et téléphoniques ont été coupés à plusieurs endroits entre Hotonnes et Ruffieu. De mémoire d ‘homme, on n’ avait vu un pareil ouragan. A Brénod, dans la nuit du 1er janvier, les victimes du froid furent nombreuses. On comptabilisa des mains, des oreilles gelées. Du côté de Chezéry dans l’ après-midi du 1er janvier, le distributeur du courrier sous la tempête s’ est vu projeté dans un ravin avec traineau et cheval. Le thermomètre affichait -14° et malgré cela il a pu s’ en sortir malgré des mains gelées. Sur le plateau d’ Hauteville, une véritable tempête de neige a sévi au tout début de l’ année. La couche de neige en certains endroits atteignait les 70 cm !. La circulation fut très pénible. Les habitants d’ Aranc et de Longecombe ont dû venir à la rencontre des facteurs.
A Culoz, la violente tempête qui a également sévi sur la ville le 1er janvier a causé de terribles dégâts. Une construction en planches recouverte de tuiles avenue de la gare fut complètement renversée, endommageant au passage une locomotive. Les maisons ont eu pas mal de dommages. La toiture de la gendarmerie fut enlevée en grande partie, les cheminées renversées, les murs lézardés. Le chateau de Montverran a aussi souffert. Rien ne résista à l’ ouragan : volets, tuiles, cheminées, ardoises. Il y a eu aussi des accidents de personnes sans trop de gravité. Nombre de peupliers énormes, des noyers et d ‘autres arbres ont été brisés ou arrachés à divers endroits. La ligne télégraphique et téléphonique a été coupée sur divers secteurs. Des trains ont subi d’ importants retards. Depuis le 9 janvier 1896, on n’ avait pas vu à Culoz un pareil ouragan.
A Marlieux, sous l’ action de la bise noire des 1er et 2 janvier, une épaisse couche de glace a pris possession des étangs