RETRO : le rigoureux mois de janvier 1893.

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On se plaint parfois des rigueurs hivernales. Mais celles de nos jours, sont loin de celles du passé. En témoigne ce mois de janvier 1893 dans notre département de l’Ain.

Le mois de janvier 1893 fut un mois extrêmement rigoureux en France et notre département de l’ Ain n’ y a pas échappé. Et l’ Abbé Fortin qui réalisait déjà des pronostics à cette période ne s’ y était pas trompé, lui qui avait prédit une première quinzaine froide et claire, se poursuivant jusqu’ au début de février. Dès la fin de l’ année 1892, le froid envahit la région. Le 30 décembre, au petit matin, le mercure annonce déjà -9°; le jour de l’ An tout autant et au matin du 2 janvier on relève -13° en plaine. En amont du pont de St Laurent à chalon on peut voir de larges banquises couvrant presque toute la largeur de la rivière et qui viennent se briser avec fracas contre les piles du pont. Le lac de Sylans près de Nantua ( tout comme ce dernier d’ ailleurs) est complètement recouvert de glace et la Compagnie des glacières commence sa récolte. A Bourg en Bresse, la Reyssouze est déjà prise depuis quelques jours.

Mercredi 4 au soir, on constate une légère détente dans la température mais le mercure affiche encore pas moins de -4° en fin de nuit. Le lendemain, le temps fut couvert et la bise souffla moins fortement; toute la journée cependant le thermomètre s’ est maintenu à -5°. Le baromètre est toujours au beau fixe.

 

Samedi 7 le vent a viré au secteur sud dans le courant de la journée. La température s’ est très vite relevée et un dégel a commencé. Dimanche 8 janvier fut superbe selon les commentaires de l’ époque, mieux en tout cas que le lendemain où le soir, la pluie s’ installa; au grand désespoir de tous les patineurs ! ( le 9 à Lagnieu à 14 h sur le perron de l’ hôtel Anthelme le mercure marquait à l’ ombre 10° alors  qu’ il y a 8 jours plus tôt le mercure était 10° sous le 0). Mais la nuit suivante, le vent  a rebasculé au nord et souffla avec une grande violence. La température est de nouveau descendue sous les 0°. Mardi 11 au matin le mercure affichait -5° à 6 h.

Vendredi 13 le froid est de nouveau bien installé avec -14° au lever du jour. Le samedi le mercure remonte un peu, gagnant 7 à 8°.La neige tomba dans le courant de la matinée et le thermomètre est remonté à  zéro. Durant toute la soirée de ce samedi, il a neigé abondamment et aussi une partie de la matinée du dimanche 15 janvier. Cela provoqua de nombreuses perturbations dans le déplacement des trains. Ceux de Paris arrivèrent avec un minimum de 3 h de retard. Sur toutes les lignes ce fut le même constat. Lundi 16 les trains accusèrent encore plus de retard. Les trains sur Lyon Croix Rousse et Chalon n’ ont pu circuler de la matinée. La voie fut coupée par l’ amoncellement des neiges dans la tranchée de St André de Corcy et le déblaiement ce lundi n’ est pas encore effectué; le service n’ étant assuré seulement jusqu’ à Villars. Des militaires du 23e ont été mis à la disposition de la Compagnie PLM pour déblayer les voies. Ces fortes neiges perturbent l’ arrivée du courrier en provenance de la Capitale. A 11 h celui-ci n’ était pas encore arrivé à Bourg et Mâcon. Avec cette neige, le froid est aussi redevenu plus vif. La veille au soir à 20h ,  le mercure affichait déjà -7°. Au matin du lundi 16 janvier, il fit -12° en ville et -14,5° à la gare de Bourg. A Lyon la Saône est presque complètement prise près du pont Tilsitt et le service des bateaux-mouches est suspendu. Dans l’ Ain, la Saône est prise en divers points. En face de Garnerans, vers le barrage de Thoissey et un peu plus haut que Trévoux, on la traverse à pied. Vers l’ ile de Montmerle, elle porte même des voitures et a pu être traversée par des sablonniers qui profitaient de l’ importante couche de neige pour empêcher leurs chevaux de glisser. La couche qui couvre le sol à Belley a plus de 35 centimètres. Dans notre montagne elle atteint voire dépasse localement le mètre !. Dimanche soir, un train est resté en détresse entre les gares de Sathonay et des Echets. Cette seconde gare ne possédant pas d’ appareil télégraphique, il fallut se rendre jusqu’ à la gare de Sathonay à pied pour chercher du secours. 2 machines vinrent et pendant près de 2 h essayèrent mais en vain de dégager le convoi. Le conducteur du train fit alors monter tous les voyageurs dans un fourgon de bagages et de nombreux hommes d’ équipe amenés commencèrent à déblayer la voie. A force d’ essais, le fourgon finit par être retiré et les pauvres voyageurs transis furent ramenés sur Lyon où ils arrivèrent à minuit. Pendant 5 h, ils étaient restés bloqués dans les neiges. A Trévoux, la neige a commencé à tomber le samedi vers 16 h et n’ a pas discontinué toute la nuit suivante, poussée  par un vent glacial. La couche qui couvre le sol est d’ environ 30 à 40 cm. Les voitures publiques n’ ont pu faire leur service dimanche et lundi 16. Elles ne pouvaient marcher qu’ au pas. Du côté d’ Ambérieu, les trains ont circulé très péniblement.

Dès la mi janvier, on constate que cet hiver 1893 sera à compter parmi les plus rudes. Mardi 17 au matin, le mercure affiche -20° au coeur de Bourg en Bresse, -23° à la gare et même -25° dans le quartier des Blanchisseries !. c’ est la température la plus basse de l’ année. La veille au soir ( lundi 16 donc ! ), au faubourg St Nicolas à 23 h on notait -21° et le matin à 7h30 il faisait -22° et au plus chaud de l’ après-midi on ne dépassa pas les -13°. Mardi soir, à 23 h le mercure affichait -22° et mercredi 18 au matin on relève encore -17° à 7 h.Le 16 on relève à 7 h -17° sur Nantua (-21° le mardi matin).

Ce mardi 17, sur Lyon-Dombes et Chalon les trains ont repris leur marche mais cela reste irrégulier alors qu’ à Bourg les express de Paris affichent encore 3 h de retard où le froid reste encore très vif avec -16° en ville et -18° à la gare malgré le beau soleil revenu. La tranchée de St André de Corcy a été déblayée mais sur une seule voie. Entre Marlieux et Sathonay, c ‘est donc sur une voie unique que le service sa fait. Sur les lignes de la Cluse et Lons, la circulation des trains est normale; les retards provenant des autres lignes. Mais le froid rigoureux ne diminue pas le nombre de voyageurs dans la région !. Ce mardi matin à 7h30 au parc de la Tête d’ Or de Lyon, à 5 cm du sol on relevait -29,5° et -25° à 1m50. Jamais il n’ est à Lyon descendu aussi bas. Le 20 janvier 1880 on avait eu -20° tout comme le 20 décembre 1852; en janvier 1870 -24°. La journée de mardi fut la plus froide qu’ il y ait eu depuis 50 ans. Mercredi 18 la mini est de -24° sur Nantua (le 19 -25° et le 20 au matin -22°).

Samedi matin, on constate enfin un redoux; on ne relève plus que -5° sous abri. La neige est un peu retombée au lever du jour. A midi le mercure remonta à 0° et vers 17 h la neige refit son apparition. Dimanche 22, la neige est tombée du matin au soir. Avant un arrêt dans la nuit, voilà qu’ elle reprit de plus belle à flocons serrés au matin du lundi 23 janvier. La chute est plus forte que celle de la semaine passée. Un train omnibus mit 30 minutes pour franchir la distance entre Polliat et Bourg en Bresse contre 13 min en temps normal. On signalait de St André de Corcy 33 min de retard pour le train de Lyon Croix Rousse. Il arrivera au final avec 1 h de retard. Sur La Cluse la marche des trains devient aussi irrégulière. Un convoi militaire a été pris par la neige et la tempête sur la route de Bellegarde. Ils furent obligés de rebrousser chemin. Il y avait jusqu’ à 2 m de neige sur la route; le convoyeur s’ enfonça dans la neige jusqu’ au cou. Une neige glaciale au point que les pantalons étaient gelés jusqu’ à la ceinture.

Les journée de lundi 23 et mardi 24 ont été un désarroi complet pour les chemins de fer de notre région. Dès lundi, dans la journée, les trains étaient bloqués sur la ligne de La Cluse à Bellegarde entre Charix et Nantua. Une équipe de 80 hommes du 23e est partie mardi matin de Bourg par train spécial pour déblayer la voie; des militaires renforcés d’ un certain nombre d’ ouvriers civils. Au matin du mercredi, la neige n’ était pas encore enlevée à Charix. Mardi matin, des trains affichaient depuis Bourg vers la Cluse plus de 5 h de retard. D’ autres furent supprimés. Les communications télégraphiques sont coupées entre Cize et Ceyzériat. Mercredi matin, la voie est à peu près libre entre Bourg et La Cluse et entre La Cluse et St Claude. Mais on ne fait que le service des voyageurs; les trains de marchandises étant supprimés jusqu’ à nouvel ordre. De la Cluse à Bellegarde aucun train de circulait encore. Un train fut bloqué lundi soir à hauteur d’ Ambronay. Une machine de secours fut bloquée dans un mètre de neige pour bifurquer. L’ express d’ Italie qui passait avant l’ omnibus resta bloqué près de Rossillon et entre Culoz et Ambérieu aucun train ne circula le mardi 24. Entre Lyon et Ambérieu, la circulation fut interrompue dans la soirée de lundi. La tourmente de neige qui avait particulièrement sévi entre Montluel et Leyment intercepta la voie entre ces 2 stations. Les voyageurs de Lyon pour Ambérieu et au-delà furent détournés par Mâcon. Mardi matin un train depuis Perrache mit 4 h d etemps pour rejoindre Ambérieu et le retour à Lyon sur le seconde voie a pu s’ effectuer en 2 h. A Belley, les facteurs ont dû tous revenir sur leur pas dans la journée de lundi. A Cize Bolozon, la neige atteint 60 m, et là encore les tournées des facteurs sont suspendues; à Nantua la couche atteint les 40 cm. Du côté d’ Hauteville, on signale de nombreuses avalanches; du jamais vu ! . La route de Tenay à Hauteville est barrée. Le courrier a dû rétrograder. Des travailleurs dans la journée de mardi ont ouvert une tranchée dans l’ avalanche tombée sur la route en face d ‘ une usine à Chaley.

A la fin du mois, c’ est enfin le dégel qui s’ installe mais cette fois-ci de façon sérieuse. La neige encore présente au sol le 30 en plaine fondra vite. La débâcle de la Saône a commencé le lundi 30 janvier. La rivière grossie par le dégel a gagné un mètre et a subitement charrié les énormes blocs de glace qui formaient sur certains points des champs immenses. Les icebergs et les plateaux de glace poussés par un fort courant ont sur les rives et dans les îles rasé comme du foin les saules égarés trop près du bord. Les communications télégraphiques avaient la semaine passée subi sur la ligne de Bourg-Ambérieu et Bourg-Bellegarde des perturbations graves. Plusieurs kilomètres furent arrachés. Grace à un travail important avec l’ aide de départements voisins, lzq lignes sont reconstituées en cette fin de mois de janvier 1893.

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