Lors de la première quinzaine de novembre 1950, l’Ain subit d’importantes inondations, notamment sur la Bresse et le Bugey.
Tout commence ce samedi 11 novembre 1950 où une pluie tenace et rageuse ne cesse de s’ abattre sur notre département de l’ Ain et certains départements voisins, ponctuée dans les périodes de courtes accalmies de rafales de vent.
A Bourg en Bresse, la situation a pris ce dimanche 12 novembre une tournure assez grave tout comme dans beaucoup de secteurs du département. La Reyssouze si souvent pacifique s’ est mise en colère et la route de Ceyzériat a été submergée. Les rez de chaussées, les caves des immeubles furent envahis. Le niveau d’ eau atteignait par endroits les 50 cm de hauteur et il a fallut improviser des trottoirs surélevés pour permettre aux habitants de circuler. A la Drague, les installations d ‘une poissonnerie étaient submergées et les locaux d’ habitation voisins ainsi que les bureaux étaient évacués par mesures de sécurité. Une grande partie du stade Verchère et le terrain d’ entrainement n’ étaient plus qu’ une nappe d’ eau. De chaque côté de l’ allée de Challes, la rivière et le canal arrivaient à plein bords, menaçant la route et pénétrant dans certaines maisons ainsi que sur les terrains situés en contre-bas. Au Pont des Chèvres vers les cités de Rosière la crue était menaçante. Des précautions furent assez vite prises par les services compétents pour assurer au mieux l’ évacuation de l’ eau en débouchant certains caniveaux.
A 18 h la circulation était rétablie pratiquement route de Ceyzériat et petit à petit les gens qui avaient quitté leurs maisons par mesure de sécurité rentraient chez eux, n’ ayant à déplorer que quelques dégâts dans les locaux de rez de chaussée et dans les caves. Dans la soirée de dimanche, la pluie s’ était enfin arrêtée et l’ on pouvait penser que dès le lendemain la Reyssouze allait regagner son lit.
Dans la région de Pont d’ Ain, les terrains bordant la rivière d’ Ain sont submergés. Le hameau du Blanchon se retrouve complètement isolé. Un cultivateur d ‘ Oussiat n’ avait pu rejoindre samedi soir ses vaches aux pâturages dans les prés communaux. Il a fallu ainsi venir en aide à ces pauvres bêtes déjà exténuées après avoir dû nager longtemps pour regagner le village. La route entre Pont d’ Ain et Neuville sur Ain est coupée de même que la RN 84 et la chaussée entre Mollon et Méximieux est recouverte d’ eau.
A Nantua, les fortes pluies ont provoqué peu de dégâts; seules les caves situées en contre-bas et certains ateliers ont souffert des eaux. Le lac est sérieusement monté et recouvre entièrement le champ de foire. Entre 14 et 16 h, dimanche, il monta de 4 cm. L’ avenue des Marronniers ainsi que la rue des Sorbiers sont recouvertes par plus de 50 cm d’ eau. L’ eau montait aussi au Monument des Déportés. A la Cluse, Brion et Montréal, les ravages semblaient beaucoup plus importants.Une scierie et tout le quartier de la mairie de Montréal la Cluse sont inondés. Une maison située derrière le cinéma de la Cluse a souffert de l’ eau. Les habitants furent évacués en barque.
A Dortan, la population fut réveillée durant la nuit par la sirène des pompiers. La ville fut menacée par la Bienne qui est sortie brusquement de son lit.C’ est surtout la cité provisoire qui fut touchée. En pleine nuit, des familles d ‘ouvriers travaillant à la reconstruction furent contraintes d’ évacuer très rapidement leurs barraquements que les eaux en furie envahissaient un peu partout. En certains points, elles s’ élevaient à plus d’ 1,50 m du niveau du sol. Vers 7 h dimanche, l’ un des barraquements du camp s’ effondra sous la poussée des eaux. A 8 h la pluie n’ avait pas encore abdiqué et les eaux de la Bienne grossie en plus par l’ apport de la neige fondue provenant des montagnes du Haut Jura s’ élevait encore et encore, inondant ainsi toute la vallée de l’ Ain et coupant les communications entre Dortan et Thoirette. 2 h plus tard, une accalmie se profilait et l’ on put enfin constater une régression progressive des eaux mais tout de même plus de la moitié de la cité fut inondée.
A Oyonnax, tous les coteaux environnants sont gorgés d’ eau. Cela jaillit de partout. C ‘est ainsi que sur la route de Martignat à 500 m d’ Oyonnax l’ eau se déversant en torrent en direction de la route départementale 1 a coupé cette dernière en plusieurs points sur une longueur d’ environ 1 km. A noter qu’ un immeuble, un garage et l’ usine Gachon furent inondés où les dégâts sont considérables. En ville, de nombreuses caves sont inondées. On signale des dégâts importants rue Lalande, Anatole France, à l’ Hotel de Ville où la chaudière du chauffage central est submergée et à l’ immeuble Convert. La situation reste sérieuse, la pluie continuant à tomber. A Bellignat, une usine a également subi des dégâts assez importants ainsi que divers immeubles.
A Lent, la Veyle a dangereusement menacé le moulin. Il fallut faire appel à des secouristes pour évacuer le stock de farine et les animaux qui se trouvaient dans une écurie en contre-bas.
Nette amélioration au cours du lundi
Lundi 13 novembre, une nette amélioration de la situation s’ est manifestée au cours de la journée malgré encore la persistance du mauvais temps. Les rivières entament leur décrue. Mais la situation reste assez sérieuse cependant pour la Saône et le Rhône qui subissent l’ effet des pluies avec un décalage dans le temps par rapport aux autres rivières de notre département. A Bourg en Bresse, le quartier de la route de Ceyzériat a repris sa physionomie normale. La Reyssouze regagna son lit. L’ eau recouvrant les jardins et autres terrains s’ écoulent lentement et grace aux mesures prises une nouvelle montée des eaux sera évitée.
Dans l’ ouest de l’ Ain, les débordements de la Saône et de ses affluents ont envahi les prés et les champs sans causer de dommages importants.
A Pont d’ Ain, la décrue de l’ Ain a été importante et les habitants du Blanchon ont pu regagner leurs habitations. A Port Galland et au pont de Chazey où une pile de protection a été endommagée, la situation est surveillée de près par les services des Ponts et Chaussées. La trafic routier a été interrompu dimanche et dû être détourné entre Gévrieux et Méximieux. A Oyonnax, la menace de chômage qu’ avait fait craindre l’ inondnation de certaines usines parait écartée mais les dégâts semblent importants. On constate la détérioration du chauffage central et de l’ appareillage électrique souterrain de la maison Convert rue Anatole France ainsi que la perte d ‘un important matériel d ‘une pâtisserie où le four fut emporté. A l’ usine Jacquin on estime les dégâts à plus d ‘un million; plusieurs millions pour une autre usine où des produits chimiques ont été détériorés par plus d ‘un mètre d’ eau.
A Nantua, le lac déborde toujours mais la circulation est rétablie; il en est de même à Montréal la Cluse où l’ eau se retire lentement. Les pompiers s’ affairent à vider les caves encore inondées dans certains immeubles. A Dortan, seul le quartier du bas est encore recouvert. Une vingtaine de familles qui s’ étaient réfugiées chez des amis ou à la mairie en abandonnant leur maison ont pu réintégrer leur logement. Les dégâts envisagés initialement se limitent tout de même à d’ importantes détériorations en raison des dispositions prises par la plupart d’ entre eux pour mettre leur mobilier hors d’ atteinte des eaux. Dans les baraquements en planche, les destructions ont été plus importantes. Certaines usines de tournerie ont beaucoup souffert. Près du terrain de football, les eaux emportèrent 150 moules de bois de chauffage entreposés. Sur la route de Dortan, entre cette ville et la gare de jeurre-Vaux des éboulements de rochers avaient interrompu la circulation lundi matin avant qu’ elle ne soit rétablie en cours d’ après-midi.